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Le monde des oiseaux

Pour les mésangeais du Canada, la rivalité dans la fratrie peut s’avérer mortelle

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Dans le règne animal, les conflits entre frères et sœurs – principalement sous la forme d’une compétition pour la nourriture amenée par les parents – sont assez fréquents chez les oiseaux. La mort peut parfois en résulter, mais le fratricide se produit presque toujours lorsque les jeunes sont encore au nid.

Les rivalités entre frères et sœurs suggèrent un compromis entre la concurrence pour les ressources et les avantages associés aux liens de sang. Chez de nombreuses espèces, malgré ces affrontements, les juvéniles ont le choix de rester sur le territoire familial ou de partir à la recherche d’un nouveau foyer.

Mais les membres d’une même fratrie de mésangeais du Canada se battront pour le territoire après avoir quitté le nid. S’ils perdent, ils doivent partir.

Mes collègues et moi-même avons comparé les avantages liés à la survie et à la reproduction du juvénile dominant, tout en tenant compte des risques associés à l’expulsion des frères et sœurs. Cette étude sur les conflits au sein de la fratrie chez les animaux sauvages est la première à mesurer les conséquences de l’éviction des frères et sœurs. Le prix à payer pour l’expulsion des proches parents réside dans le fait que les individus qui pourraient contribuer à la diffusion des gènes familiaux sont condamnés à l’exil, où ils ont une forte probabilité de périr.

Comportement du mésangeai du Canada

En utilisant 6 années de données de pistage radioélectrique et nos 50 années de données sur les mésangeais du Canada, marqués individuellement dans le parc provincial Algonquin dans le centre de l’Ontario, nous avons cherché à savoir si l’avantage de chasser ses frères et sœurs l’emportait sur les répercussions négatives.

Pour ce faire, nous avons examiné la survie et le succès reproductif à vie de tous les juvéniles dominants et expulsés connus. Les mésangeais du Canada pouvant vivre jusqu’à 17 ans, il a fallu plus de cinq décennies pour recueillir des données sur la durée de vie d’un nombre suffisant d’individus de cette population.

Les mésangeais du Canada sont des résidents permanents des forêts boréales d’Amérique du Nord ; ils dépendent des aliments stockés pour survivre pendant l’hiver. Il s’agit de l’une des deux seules espèces connues (l’autre étant le mésangeai imitateur, étroitement apparenté) chez lesquelles les conflits dans la fratrie entraînent l’expulsion d’un ou de plusieurs frères et sœurs du territoire d’origine après que les juvéniles ont quitté le nid.

Environ six semaines après le départ de la progéniture, mais alors qu’elle se trouve encore sur le territoire d’origine et est toujours nourrie par les parents, une bataille intense s’engage. Le résultat final est l’éjection des frères et sœurs plus faibles (les expulsés) du territoire familial par le juvénile dominant. Les expulsés doivent dénicher une nouvelle maison avant l’arrivée de l’hiver.

Nous avons constaté que s’il y a un prix à payer par les juvéniles dominants pour avoir expulsé leurs frères et sœurs, les avantages d’une survie plus élevée la première année et d’un succès reproductif à long terme l’emportent sur les inconvénients liés à l’expulsion.

Le gagnant remporte tout

La décision de chasser les expulsées hors de leur territoire d’origine constitue un compromis de taille pour les mésangeais du Canada. Nos recherches ont montré qu’en demeurant la seule progéniture dans le nid, un juvénile dominant présente une plus grande probabilité de survie au cours de sa première année et une reproduction plus réussie à l’âge adulte.

Ceci est probablement dû au fait que le juvénile dominant n’a pas besoin de trouver un nouveau lieu de vie, qu’il est en mesure de vivre en groupe dès sa première année et qu’il connaît déjà l’habitat où il peut stocker de la nourriture pour l’hiver.

Alors que le juvénile dominant profite de ces avantages, les expulsés sont condamnés à une première année de vie risquée, au cours de laquelle leurs chances de survie sont moindres.

Il n’est pas forcément bénéfique de tuer ou expulser un frère ou une sœur, même si l’on en a la capacité. Ces derniers partagent des gènes, de sorte que leur porter préjudice a un effet négatif sur le succès génétique de la lignée d’un individu. Toutefois, dans le monde animal, ces comportements reposent sur des inconvénients et des avantages.

Si, en monopolisant les ressources du nid, un frère ou une sœur est en mesure d’obtenir un bienfait à vie qui l’emporte sur l’inconvénient que représenterait le partage des ressources, ce trait sera alors considéré comme adaptatif et se propagera probablement dans la population au fil du temps.

Dans le cas des mésangeais du Canada, les frères et sœurs expulsés ne meurent pas tous. Nos recherches ont montré que, bien que les expulsés aient un taux de survie plus faible au cours de leur premier été, la plupart de ceux qui restent sont adoptés par des adultes sans lien de parenté avec eux. Nous avons observé des juvéniles avec des parents sans progéniture. Une plus petite proportion a pu trouver un partenaire pour se reproduire dès la première année ou est demeurée seule.

Un jeune mésangeai du Canada hors du nid portant une bande de couleur dans une tourbière à épinettes dans le parc provincial Algonquin en Ontario.
(M. Fuirst), Author provided

Comportement et survie de la fratrie

Dans le parc provincial Algonquin, le nombre de territoires des mésangeais du Canada a diminué de plus de 75 % au cours des quatre dernières décennies. Cette tendance est due au réchauffement des températures et à l’augmentation de la fréquence des épisodes de gel et de dégel qui altèrent la nourriture hautement périssable que les mésangeais stockent pour l’hiver.

Notre étude est importante pour le domaine de l’écologie comportementale. Elle apporte un éclairage nouveau sur les moteurs évolutifs des conflits entre frères et sœurs. La population de mésangeais du Canada du parc Algonquin étant en fort déclin, il est essentiel de comprendre leurs comportements pour cerner les obstacles auxquels les individus doivent faire face pour survivre.



Matthew Fuirst, Instructor, Integrative Biology, University of Guelph

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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